Mesurer les émissions du scope 3 dans le secteur agricole
Tous les vendredis du mois de novembre, profitez de notre expertise pour comprendre les exigences des différents standards !
Que mesurer pour être aligné avec le GHG Protocol Land Sector & Removals ? Et avec quels outils ?
Qu’est-ce que le GHG protocol ?
Le GHG Protocol est le cadre méthodologique le plus adopté par les entreprises au niveau mondial pour la comptabilité des émissions de GES et des absorptions de carbone. Actuellement, il existe 11 guides du GHG Protocol, délivrant une méthode spécifique pour différents types d’émissions, secteurs, et contextes.
Pour le secteur agricole, le guide ‘GHG Land Sector & Removals’ est en cours de rédaction : un draft est disponible, et la version finale sera publiée au premier trimestre 2025
Ce guide donnera les méthodes pour :
- 🔍 Déterminer le périmètre opérationnel : Identifier les émissions à considérer.
- 📊 Calculer les émissions selon les guidelines du GIEC.
- 📅 Définir une année de référence pour les données.
- 🔧Assurer la qualité de l’inventaire & gérer les incertitudes.
- 📉 Evaluer les réductions d’émissions.
Les outils/méthodes bas-carbone telles que le Label Bas-Carbone Grandes Cultures, la méthode REDII et CoolFarmTool sont-ils conformes au GHG Protocol ?
Étant encore en cours de finalisation, le GHG Protocol n’a pas établi de liste officielle d’outils/ méthodes conformes. À ce jour, aucun outil n’est officiellement certifié par le GHG Protocol. Pour être reconnu comme conforme, un outil devra être audité. Cependant, certains outils permettent de mesurer certains postes d’émissions en conformité avec la version en cours du GHG protocol : comme les outils labellisés Label Bas-Carbone Grandes Cultures (qui permettent de mesurer les émissions et le stockage de carbone mais pas le Land Use Change).
🔜 Certifications en développement en conformité avec le GHG protocol LSR en cours :
- VERRA développe un cadre pour certifier les réductions d’émissions, appelé le « Scope 3 Standard (S3S) Program »
- SustainCert propose déjà de valider et vérifier l’impact en termes de réduction de GES, des actions des entreprises dans leur chaîne de valeur
Règles de suivi des émissions du draft et ambitions du guide
Les outils certifiés conformes au GHG protocol LSR devront :
✅ Suivre les émissions liées à la gestion des terres (N2O, CH4 et CO2) exemple : N2O issu de l’épandage de fertilisants, CH4 issu de la fermentation entérique des ruminants
✅ Prendre en compte les émissions liées au changement d’usage des terres (LUC) exemple : déforestation pour la conversion en terres agricoles
✅ Optionnellement, évaluer le stockage de carbone. Si les conditions suivantes sont remplies : données primaires, traçabilité, mesure d’incertitude, permanence du suivi, comptabilité du destockage
Le guide du GHG protocol en cours vise à :
- Améliorer la traçabilité des émissions : rendre chaque étape de la collecte de données et du calcul des émissions plus transparente et facile à suivre
- Élever le niveau de précision des données et des méthodes de calcul
Fixer des objectifs pour sa transition bas-carbone avec la SBTi
Plusieurs initiatives encadrent les objectifs et les moyens de décarbonation, alignées avec les ambitions climatiques des Accords de Paris. SBTi (Science Based Targets initiative) est la plus utilisée et est conforme au GHG protocol pour le calcul des émissions et de la séquestration du carbone. Dans les secteurs agricoles et agroalimentaires (producteurs d’intrants et industrie du tabac compris), les objectifs de réductions sont fixés selon le cadre SBTi FLAG (Forêt, Terres, Agriculture) :
- -30% des émissions en valeur absolue d’ici 2030 (variable selon les commodités achetées et régions d’approvisionnement)
- Optionnellement objectif long terme d’ici 2050 : -72% ou Net zero
Ces objectifs peuvent être atteints par des mesures de réduction et de séquestration du carbone. Les entreprises déjà alignées avec la SBTi, mais sans objectif FLAG, doivent soumettre cet objectif avant mi-2025.
Agrosolutions vous accompagne
Grâce à son expertise carbone, Agrosolutions vous accompagne dans :
- la réalisation de votre bilan carbone selon la méthode du GHG Protocol
- le calcul de facteurs d’émissions spécifiques de vos matières premières agricoles
- la définition de votre stratégie de décarbonation conformément aux objectifs SBTi FLAG
Baseline et échantillonnage : comment bien définir son bilan initial ?
Données primaires et secondaires
- Données nécessaires pour calcul des émissions de GES selon le GHG Protocol Land Sector & Removals : données d’activité et facteurs d’émission.
2 types de données :
- Primaires (ou spécifiques) : précises mais coûteuses, collectées directement sur l’exploitation
- Secondaires (ou génériques) : moins précises mais peu coûteuses, issues de bases de données, statistiques gouvernementales, travaux d’associations ou de l’industrie (exemple : données de pratiques de fertilisation moyennes issues des Enquêtes pratiques culturales de l’Agreste)
En pratique, les deux types de données sont souvent combinés. Bien que les données primaires soient à privilégier, les données secondaires peuvent venir compléter les données collectées à l’échelle de l’exploitation, c’est le cas par exemple pour les facteurs d’émissions de GES.
Définition de la baseline et exigences du SBTi FLAG
La baseline correspond aux émissions et au stockage de carbone liées aux opérations d’une entreprise et de sa chaine de valeur pour une année de référence choisie. Les objectifs de réduction sont fixés par rapport à cette baseline, et dépendent du secteur d’activité de l’entreprise et de sa zone d’activité. Selon les critères SBTi FLAG :
- L’année de référence doit être récente et représentative de l’activité de l’entreprise
- Ne pas choisir une année de référence antérieure à 2015
- Utiliser des données spécifiques (primaires) pour une trajectoire de décarbonation précise (ex. : pour une filière)
- Inclure obligatoirement les émissions liées aux changements d’usage des sols (ou justifier leur exclusion)et aux pratiques agricoles
- Inclure de façon optionnelle le stockage annuel de carbone
Baseline et suivi des performances
La même méthode doit être utilisée pour le calcul de la baseline et du suivi annuel des émissions de l’entreprise. Idéalement, des données primaires sont à privilégier pour le calcul de la baseline et du suivi des émissions (en particulier pour les données d’activité).
En effet, sinon cette situation peut se produire : si le facteur d’émission (FE) après action est basé sur des données primaires, mais la baseline est estimée avec des données secondaires > l’impact de l’action est sous-estimé, rendant le suivi incohérent.
Un échantillonnage est-il possible pour calculer sa référence spécifique ?
Collecter des données sur 100% des agriculteurs ou des parcelles est souvent trop coûteux. Conformément au draft du GHG Protocol LSR, l’échantillonnage est autorisé sans imposer de méthode unique, plusieurs approches sont possibles
Recommandations d’Agrosolutions :
- Utiliser un échantillonnage représentatif de l’approvisionnement de l’entreprise et prenant en compte les divers contextes pédoclimatiques.
- Règles d’échantillonnage : S’inspirer des méthodes d’audits (par exemple, nombre d’échantillons = racine de la taille de la population).
Comment calculer le Land Use Change (LUC) associé à mon approvisionnement ?
LUC : modification de la manière dont la terre est exploitée (ex : déforestation pour créer des terres agricoles ou conversion de prairies en terres arables). Pour l’estimer, deux méthodes existent :
- LUC direct : basé sur l’historique d’occupation des terres spécifiquement utilisées pour la production. Requiert des données précises et détaillées. Les données doivent couvrir les 20 dernières années et provenir d’images satellites ou relevés de terrain
- LUC statistique : basé sur des statistiques régionales ou nationales, voire mondiales, issues de bases de données publiques (ex : FAO pour les surfaces et GIEC pour les facteurs d’émissions). Utilisé en cas de manque de traçabilité jusqu’aux terres de production ou d’un manque d’historique sur les 20 dernières années. Moins précis pour mesurer les impacts directs des actions d’une entreprise
Comment comptabiliser le stockage de carbone dans les filières agricoles selon le SBTi FLAG ?
La séquestration, selon le GHG Protocol, est défini comme une augmentation du stock de carbone par rapport à une année de référence donnée.
Il n’est donc pas nécessairement additionnel, car il ne prend pas en compte une ligne de base dynamique. Par exemple, la mise en place de pratiques qui permettrait de générer un moindre déstockage de carbone par rapport à la tendance ne pourra pas être comptabilisée comme une séquestration au profit de l’entreprise. En revanche, la diminution du stock de carbone par rapport à l’année de référence devra être déclarée comme un flux d’émissions de GES.
Justification obligatoire de non-déstockage de carbone lié à l’évolution des pratiques. Si cette justification n’est pas possible, évaluer et comptabiliser le déstockage dans les émissions de GES. La comptabilisation du stockage de carbone optionnelle et conditionnée à :
- Traçabilité : CO₂ suivi tout au long de son absorption, jusqu’au puits, c’est-à-dire traçabilité des exploitations engagées
- Données primaires : variations de stocks comptabilisées uniquement avec des données spécifiques aux exploitations
- Suivi permanent : surveillance continue des réservoirs de carbone selon un plan de suivi
- Mesure d’incertitude : seules les absorptions statistiquement significatives avec estimation d’incertitude sont déclarées
- Déstockage : si le suivi des stocks de carbone est interrompu, les absorptions antérieures sont présumées émises et le déstockage est déclaré
Quelles méthodes pour revendiquer du stockage de carbone ?
Le GIEC a défini 3 niveaux de précisions des méthodes d’évaluation des émissions de GES et du stockage :
- Tiers 1 : précision faible, estimations globales avec de larges plages d’incertitudes (ex: facteur d’émissions du GIEC)
- Tiers 2 : précision intermédiaire, méthodes spécifiques au pays ou à la région avec incertitude plus faible (ex: facteur d’émissions de la base Ominea du Citepa)
- Tiers 3 : haute précision, basée sur de la collecte de données primaires et de la modélisation
Le draft du GHG Protocol Land Sector and Removals recommande d’utiliser une méthode Tiers 3 pour estimer et revendiquer du stockage de carbone
- Si un modèle est utilisé, ses résultats doivent être validé par une remesure l’année t+5
La méthode Label Bas Carbone Grandes Cultures satisfait les exigences du draft grâce à sa méthode Tiers 3
- Dans la méthode est référencée une liste de modèles d’évolution des stocks de carbone qui ont besoin d’être paramétrés avec une campagne de mesure de sol initiale
Si l’entreprise ne souhaite pas revendiquer de stockage, elle peut utiliser une méthode Tier 1 ou 2 pour montrer qu’il n’y a pas eu de déstockage.
Echantillonnage pour le suivi des stocks de carbone
Selon le draft du GHG protocol LSR, les mesures de référence du stockage de carbone du sol et les mesures de son évolution doivent être effectuées sur les mêmes terres et à l’aide des mêmes protocoles d’échantillonnage.
Plusieurs méthodes d’échantillonnage sont acceptées, à condition que :
- Un échantillonnage annuel des parcelles ou strates soit effectué pour suivre les variations de stocks de carbone. Si cela n’est pas possible, un suivi au moins tous les cinq ans est requis
- La collecte de données repose sur un protocole représentatif, visant un niveau de précision spécifique
- Le protocole d’échantillonnage capture la variabilité due aux facteurs naturels (climat, type de sol) et aux pratiques de gestion
Allocation des émissions de GES et du stockage de carbone par produits :
L’évaluation du stockage de carbone est réalisée à l’échelle des parcelles ou des exploitations mais dans le cas de rotations culturales, comment le répartir aux différentes cultures de la rotation ? Le GHG protocol LSR ne donne pas de clé d’allocation précise pour le stockage de carbone mais propose plusieurs méthodes d’allocation.
- La méthode d’allocation doit être choisie de manière à ce qu’elle reflète la relation de cause à effet entre la production et le stockage de carbone.
- Deux principales méthodes d’allocation sont possibles : en priorité allocation physique (en fonction de la masse, du volume ou de l’énergie) et si non possible allocation économique (en fonction du prix de vente)
- Le comité du Label Bas Carbone Grandes Cultures version 2 développe actuellement une méthode d’allocation des émissions de GES et de stockage de carbone additionnel, prévue pour 2025
Co-investissement inter-filières
Le co-investissement inter-filière peut accélérer la transition bas-carbone de l’agriculture grâce à :
- Un accompagnement partagé des agriculteurs pour la mise en œuvre de pratiques sur l’ensemble de la rotation, favorisant la réduction des émissions et le stockage de carbone dans les sols.
- La mutualisation des coûts de suivi, de monitoring et de soutien financier des agriculteurs.
- Une harmonisation des méthodes de suivi et des clés d’allocation définies, assurant une cohérence dans l’approche.
Voici un exemple français de co-investissement inter-filière autour de la transition bas-carbone :
- Programme Transitions de Vivescia : filières blé, orge et oléagineux associées
Agrosolutions vous accompagne
Grâce à son expertise carbone, Agrosolutions vous accompagne dans :
- la réalisation de votre bilan carbone selon la méthode du GHG Protocol
- le calcul de facteurs d’émissions spécifiques de vos matières premières agricoles
- la définition de votre stratégie de décarbonation conformément aux objectifs SBTi FLAG